Quand la bonne foi ne suffit pas !
Face à un conflit de travail qui perdure, vaut-il mieux préserver le dialogue à tout prix ou accepter qu'un tiers tranche ?
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L’éthique : un socle, mais pas un remède miracle
Adopter une attitude et des comportements éthiques au quotidien demeure le moteur indispensable de toute négociation collective réussie. Pourtant, au Québec, ces dernières années, la réalité sur le terrain a montré qu’une approche éthique ne peut règler tous les problèmes.
Entre 2022 et 2025, les secteurs public et municipal ont vécu des négociations particulièrement difficiles, émaillées de conflits majeurs. Dans ce contexte, il faut parfois aller au-delà du simple « vouloir bien faire » : il devient crucial d’activer des mécanismes complémentaires pour sortir de l’impasse et transformer la crise en occasion de dialogue.
L’éthique, c’est le socle : la transparence, la bonne foi et la confiance mutuelle ouvrent la voie à la discussion. Voir mon article de blogue : Éthique et prévention des conflits. Mais même avec les meilleures intentions, il arrive que la négociation se fige. Ayant vécu moi-même ces moments, je retiens une leçon toute simple : quand tout bloque, il ne reste qu’une certitude :
« On est condamnés à s’entendre ! »
C’est dans cet esprit qu’il faut envisager les solutions : d’abord, par des gestes quotidiens qui nourrissent le climat de confiance et, au besoin, par l’ouverture vers la médiation.
Médiation : renouer le dialogue
La médiation, c’est se donner la chance de reprendre le dialogue, de limiter les tensions et de maîtriser les coûts et du temps. On doit commencer par reconnaître ensemble ce qui nous relie :
les grands objectifs de l’organisation
les valeurs partagées
les buts réalistes à poursuivre
La présence d’un médiateur accrédité change la dynamique de la table de négociation. Je sais vous me direz, qu’il n’y a pas de garantie de résultat mais selon mon expérience, l’exercice en vaut vraiement la peine. En reconnaissant ce que les parties ont en commun, on pose les bases d’une discussion qui porte, même quand les divergences persistent. Ce n’est pas une chose facile, mais comme négociateur, il est important de faire cet effort de compréhension mutuelle des enjeux.
Arbitrage : pour relancer la conversation quand tout bloque
Mais, il arrive que même la médiation ne suffise plus. C’est là que l’arbitrage de différend exécutoire prend tout son sens. Dans nos lois québécoises, ce recours s’entoure de règles précises et de critères d’équité et son effet peut être bien réel avant une décision arbitrale rendue. Pourquoi ?
Parce qu’en sachant qu’une solution pourrait bientôt s’imposer à tous, les parties sont souvent poussées à relancer elles-mêmes la négociation.
Cela dit, il faut aussi reconnaître que l’arbitrage n’est pas une méthode rapide ni bon marché. La procédure peut s’étirer sur plusieurs mois, parfois plus, et elle implique des coûts importants qui pèsent sur toutes les parties. C’est pourquoi on l’utilise généralement en dernier recours, lorsque les autres voies de règlement ont été épuisées.
Zone de règlement vs Zone d’incertitude
La possibilité qu’un arbitre rende une sentence agit souvent comme un puissant déclencheur dans une négociation : En effet, dès que cette option devient réelle, la fameuse « zone de règlement » s’ouvre et pousse les parties à retrouver la volonté de bâtir un compromis ensemble.
Au Québec, on constate fréquemment que les moyens de pression, qu’il s’agisse de gestes symboliques, de ralentissements ou d’actions concertées, contribuent à maintenir une forme de « zone d’incertitude », ce qui rapproche parfois les positions… mais celà comporte aussi des risques, notamment pour les syndicats si la situation s’enlise.
L’arbitrage, encadré par des règles strictes et réservé comme dernier recours, s’impose alors comme une solution pour sortir de l’impasse. Quand l’arbitre tranche « en équité et en bonne conscience », cela ajoute une part d’imprévisibilité dans le processus, ce qui incite bien souvent les parties à reprendre sérieusement les pourparlers : au fond, personne n’aime perdre totalement la maîtrise de l’issue entre les mains d’un tiers.
Éthique et arbitrage : bâtir un écosystème de collaboration
Ce qu’il faut retenir, c’est que l’éthique et l’arbitrage ne sont pas en concurrence. Au contraire : ils se complètent dans un système de relations de travail fondé sur la responsabilité, la confiance et la rigueur institutionnelle.
L’éthique crée le climat et donne envie de bâtir des solutions durables. L’arbitrage, lui, offre le garde-fou pour reprendre le dialogue quand tout semble bloqué.
Ensemble, ils forment ce que les spécialistes appellent désormais un « écosystème de négociation » : un cadre où chaque outil, valeurs, pratiques, mécanismes a son rôle pour résoudre le conflit.
Dans le contexte actuel, c’est sans doute cette complémentarité et cette souplesse dans l’approche qui permettent de dépasser les blocages et de bâtir des relations de travail vraiment constructives, même dans les contextes les plus tendus.
Au fil des années, l’expérience de la négociation m’a appris une vérité simple : « la dureté du conflit ne nie pas l’éthique : elle la met à l’épreuve ». Traverser des rapports de force tendus, sentir la lassitude gagner autour de la table ou voir les positions se durcir ne signifie jamais qu’il faut renoncer aux principes de transparence, d’écoute et de respect mutuel.
Pour aller plus loin
Si vous souhaitez approfondir le sujet, voici les principales sources qui ont alimenté cette réflexion, en complément de mon expérience de négociateur :
Études de référence
Carrier, C. (2021). La médiation organisationnelle (sociale et collective). ADRIC.
Jalette, P. & Laroche, M. (2022). Négociation collective : bilan et tendances.
Ministère du Travail du Québec (2022). Mesure des effets des arrêts de travail et des activités de médiation-conciliation sur l’économie du Québec, 2014‑2020.
Institut économique de Montréal (2025). Le Québec face à la forte augmentation des grèves syndicales.
À propos de l’auteur : Jacques Painchaud, Adm.A, médiateur certifié et consultant. Détenteur d’une maîtrise en droit et formé en journalisme, il accompagne les organisations en gestion des relations de travail, médiation, formation et communication.
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