Éthique et prévention des conflits : construire des relations de travail durables

 Pourquoi certaines négociations collectives s’enlisent-elles alors que d’autres aboutissent rapidement à des ententes durables ?

Crédit image : illustration IA générée avec Freepik

La négociation collective ne peut survivre aux seules stratégies d'affrontement. Si l’on veut éviter l’escalade vers l’arbitrage et bâtir des solutions durables, trois piliers éthiques s’imposent comme fondements incontournables : la transparence, la bonne foi et la confiance mutuelle. Il ne s’agit pas seulement de concepts théoriques : ces valeurs constituent des leviers concrets pour prévenir efficacement les conflits.

Transparence : la clé d’un dialogue constructif

Imaginez cette scène : après des semaines de négociation, l’employeur refuse de partager certaines informations cruciales. Les représentants syndicaux se braquent, la tension monte, les accusations fusent. Pourtant, un geste simple de transparence peut tout débloquer.

Mon expérience de 25 ans en négociation me l’a prouvé maintes fois : lorsque les objectifs sont clairement exprimés et les contraintes réelles partagées, le dialogue devient constructif. Chaque partie s’engage alors dans la recherche de solutions viables.

La transparence n’est pas qu’une intention louable, elle implique un certain devoir d’ouverture et de communication d’informations pertinentes.

Cette exigence va au-delà de la simple communication formelle ; elle vise une compréhension mutuelle des enjeux concrets.

Bonne foi : au-delà des stratégies

Permettez-moi de partager une anecdote révélatrice. Lors d’une négociation particulièrement tendue, un simple document remis à temps comme promis présentant les résultats d’une analyse favorable à notre proposition a ranimé le dialogue après des semaines d’impasse. Voilà la bonne foi : des gestes concrets qui bâtissent la confiance.

Travailler de bonne foi, c’est plus que respecter le protocole : c’est reconnaître la légitimité des attentes de l’autre et rechercher un véritable équilibre, même lorsque les enjeux sont élevés.

Négociation serrée ou de façade ?

Défendre fermement ses intérêts est légitime. Mais les manœuvres dilatoires constituent une infraction à la loi. La jurisprudence distingue entre la « négociation serrée » réelle et la « négociation de façade », distinction fondamentale précisée par Villaggi. L’exigence de bonne foi permet une défense ferme des intérêts, sans les tactiques dilatoires.

Confiance mutuelle : l’accélérateur invisible

Voici une vérité que vous connaissez surement : « Il faut que les bottines suivent les babines ! » La confiance se construit sur la cohérence entre paroles et actes.

Au fil des années, les négociateurs développent un véritable « code de conduite » informel. Les études spécialisées le confirment : cette déontologie non écrite, documentée entre autres dans les recherches de Lapointe et al., permet de maintenir des canaux de communication respectueux même en cas de conflit majeur.

Cette cohésion fait souvent la différence pour relancer une négociation bloquée et pour assurer un climat organisationnel sain par la suite. Pourquoi est-ce si crucial ? Parce qu’il y a un « après ». Les mêmes personnes devront appliquer au quotidien ce qui a été convenu dans la convention collective.

Voici une synthèse d’un protocole fondé sur ces trois piliers :

Engagement transparence

  • Communiquez ouvertement (sans compromettre votre stratégie légitime).

  • Organisez des points d’étape réguliers avec votre équipe et vos partenaires.

  • Partagez les informations pertinentes afin de maintenir la clarté.

Engagement bonne foi

  • Respectez vos engagements et vos échéanciers.

  • Négociez fermement, sans manœuvres dilatoires.

  • Reconnaissez la légitimité des positions à la table.

Engagement confiance mutuelle

  • Constituez une équipe représentative et respectueuse.

  • Maintenez des relations professionnelles au-delà des négociations.

  • Formalisez par écrit toutes les ententes verbales.

Est-ce vraiment efficace ? Des règles explicites, connues de tous, font gagner du temps, réduisent les malentendus et favorisent l’émergence de solutions novatrices.

Garantir la bonne foi ?

Un protocole ne remplace pas la vigilance. Même les dispositions législatives qui exigent la négociation de bonne foi, prévues au Code du travail, seront inopérantes sans la véracité incarnée par les négociateurs.

Quand l’impasse persiste : choisir la médiation

Même avec les meilleures intentions, les négociations atteignent parfois leurs limites. C’est là que la médiation prend tout son sens : elle permet à chaque partie de revisiter ses priorités et d’explorer de nouvelles voies. Cet exercice a souvent débouché sur des ententes de principe qui semblaient inatteignables.
Mon conseil : prévoyez la nomination d’un médiateur accrédité et neutre dès qu’un blocage survient.


Un protocole de prévention et règlement des différends (PRD) offre un cadre structurant, incitant chaque partie à transformer ses engagements en gestes concrets, mettant en phase les paroles et les actes. Ce processus m’a été très utile lors de négociations récentes : il n’y a aucune garantie de résultat, mais il demeure une voie pertinente pour tenter de résoudre ou prévenir un litige.


Condition essentielle : transparence, bonne foi et confiance mutuelle doivent rester présentes. Sans ces valeurs, aucune solution durable n’émergera.

Un investissement qui rapporte

En somme, la négociation éthique n’est pas un idéal lointain : c’est un investissement qui protège les intérêts de tous et prévient l’escalade vers l’arbitrage. Pour toute organisation, fonder la relation avec les employés sur la confiance est le meilleur moyen de susciter un engagement collectif durable. Dans un contexte où les relations de travail évoluent rapidement, ces valeurs deviennent les piliers de solutions pérennes, en entreprise privée comme en administration publique.

Et vous, quelle place accordez-vous à la transparence, la bonne foi et la confiance mutuelle dans vos négociations ?

Voir aussi : Quand la bonne foi ne suffit pas ! 

À propos de l’auteur : Jacques Painchaud, Adm.A, médiateur certifié, consultant et formateur. Détenteur d’une maîtrise en droit et formé en journalisme, il accompagne les organisations en gestion des relations de travail, formation et communication.

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Pour aller plus loin

Si vous souhaitez approfondir le sujet, voici les principales sources qui ont alimenté cette réflexion, en complément de mon expérience de négociateur :

Sources et références

  • Villaggi, J.P. (1996). « La convention collective et l'obligation de négocier de bonne foi », Revue de droit de l'Université de Sherbrooke, vol. 26, n° 2.

  • Lapointe, J., Ross, C., Legault, M.J. (2003). « L'éthique en négociation collective : la perception de conseillères et conseillers syndicaux québécois », Relations industrielles, vol. 58, n° 2.

  • LégisQuébec. (2025). Code du travail du Québec (C-27), art.53.

  • Gouvernement du Canada , Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, (2022). « Le processus de négociation collective ».

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Quand la bonne foi ne suffit pas !